Les Marocains du Monde

et le Maroc

Le 01 Décembre 2024 - par Bauna Salah-Eddine

« Je pense que la nomination de Najat Vallaud-Belkacem fut une erreur ». Cette attaque envers l’ancienne ministre de l’éducation, de la part du député Rassemblement National, Roger Chudeau, qui faisait alors campagne pour les élections législatives, fit scandale. Selon le représentant de l’extrême droite, le fait que l’ancienne ministre ait une double nationalité suppose une « double-allégeance ».  Ces propos alimentèrent les craintes de nombreux possesseurs de doubles nationalités, et plus particulièrement celle des Marocains du monde (MDM), la communauté marocaine hors des frontières, d’être discriminés sur le marché de l’emploi et celui de l’accès à la fonction publique, et ce, il semblerait, à juste titre. 


Qui sont-ils ? 

Présents dans plus de cent pays, principalement en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et en Asie, ils sont presque 6 millions à vivre à l’extérieur du Royaume chérifien et représentent 11 % de la population totale marocaine. Ils sont pour beaucoup les descendants des Marocains recrutés pour participer à la reconstruction du pays durant l’après-guerre. Selon Driss El Yazami, ancien président du Conseil national des droits de l'Homme, l’Europe, qui fut longtemps la destination favorite de l’immigration marocaine, commence à être peu à peu remplacée par l’Amérique du Nord. 


Quelle importance pour le Maroc ? 

Le poids économique des MDM est non négligeable et est principalement représenté par deux secteurs principaux : le transfert de devise et le tourisme. Le premier secteur représentait plus de 115 milliards de dirhams en 2023, soit 11 milliards d'euros. Ces transferts d’argent, pour la majorité, plus précisément, sont motivés par une solidarité à destination de la famille restée « au pays », une solidarité qui fut particulièrement observée durant la pandémie de COVID et les séismes qui ont frappé le Maroc en 2023. Ils sont aussi nombreux à investir au Maroc, en particulier dans l’art et la mode, à l’instar des marques Trikko et Farela, toutes deux dirigées par des MDM qui ont par la même occasion lancé des collections inspirées du patrimoine culturel marocain. Le second secteur est celui du tourisme, considérablement soutenu par les MDM, comme en témoignent les données de l’opération Marhaba organisée par la  Fondation Mohamed V pour la solidarité. Selon leur rapport destiné à faciliter l’accueil des MDM depuis 2001, ce sont quelques 3 800 000 MDM qui se sont pressés au Maroc pour la période estivale en 2024, soit une augmentation de presque 20 % par rapport à 2023. Pour beaucoup, les retours estivaux constituent une occasion de se reconnecter au Maroc, aux racines de leur parent et de revoir leur famille. Ces retours au  « bled » sont tant de souvenirs chaleureux que je partage et qui se retrouvent d’ailleurs dans de nombreuses œuvres artistiques, à l’image du film 504 du réalisateur Mohamed El Khatib. 


Quelle attitude du gouvernement marocain face à sa diaspora ? 

La mise en place du dispositif Pass Jeune, à destination des MDM âgés de 16 à 30 ans, a pour objectif de faire bénéficier d’offres avantageuses et d’un fond concernant la culture ou les transports, démontrant ainsi l’appétence du gouvernement envers sa communauté mondiale. De plus, des politiques mises en place par le ministère de la jeunesse à destination des jeunes MDM, comme le programme Morocco With Purpose, qui propose de reconnecter les Marocains vivant dans le royaume et ceux de l’extérieur à leur pays, se multiplient. Il faut d’ailleurs noter que les MDM bénéficient d’avantages fiscaux attractifs, d’accompagnement administratif, de subvention et d’accès facilités aux emprunts bancaires qui sont principalement dirigés vers l’immobilier, constituant  une valeur refuge. 


Pourquoi devoir « choisir » ? 

Vous avez peut-être entendu parler des « Zmigris », terme péjoratif pour désigner les MDM qui aiment « retourner à leur bled ». À titre personnel, je n’aurai jamais pu construire mon identité française sans mon identité marocaine. Aujourd’hui, je peux pleinement affirmer que je suis à la fois pleinement citoyen français et pleinement citoyen marocain, à l’instar de Najat Vallaud-Belkacem. 





Sources