L'Or Bleu :
la question de l'eau au Maroc
L’inquiétude se renforce pendant que l’accès à l’eau s’affaiblit, autant au sein du gouvernement marocain que parmi les civils face à une crise croissante : la pénurie d’eau. Les chiffres sont sévères : ce défi, autrefois limité aux zones arides, s'étend désormais à une grande partie du pays. L’eau, que l’on peut sans hyperboliser qualifier « d'or bleu », devient une ressource de plus en plus rare, posant des problèmes majeurs et actuels à la population et futurs pour l'économie.
Sous les ciels désespérément bleus, les habitants sont contraints de porter des bidons, les transportant sur des vélos, en voiture ou même à pied sous le soleil, en allant à la recherche de quoi offrir à leur foyer de l’eau potable dans les puits qui connaissent de plus en plus de pression. Dans certaines villes dans la région Casablanca-Settat, l’eau cesse de couler des robinets. La fermeture des hammams et des stations de lavage de voitures est pratiquée à différents niveaux selon la région. En ce qui concerne la région de Casablanca-Settat, durant août 2024, ils ont dû fermer tous les jours à l'exception des jeudis.
Les précipitations, déjà irrégulières et concentrées sur certaines périodes de l'année, deviennent de plus en plus rares et imprévisibles. En effet, le Ministre de l'Équipement et de l'Eau du Maroc Nizar Baraka a annoncé la sixième année consécutive de sécheresse au Maroc en décembre 2023. Cette situation de stress hydrique pourrait rapidement se transformer en détresse hydrique.
De plus, les résidents de certaines régions marocaines sont vraiment aux prises avec la soif. À titre d’exemple, Zagora, une ville de 34 000 personnes, l’accès à l’eau est devenu un bien rare. On trouve des personnes qui ont l’interdiction de voir de l’eau dans leurs robinets depuis des jours. Ce qui est de plus, d’autres n’y ont accès que quelques minutes. Leur eau, en outre, n’est généralement pas saine car elle n’est pas correctement traitée et rarement consommée. Aujourd’hui, la capacité renouvelable du territoire en eau par habitant est d’environ 560 m³.
Ce qui aurait pu être vu comme un désastre est vécu comme un miracle. A Oujda, un orage annonçant l’arrivée des épisodes de fortes précipitations a causé des dégâts et démontré la faiblesse des infrastructures liés à l’eau. Il se trouve que si l’orage intense a causé d’intenses dégâts, il est toutefois vu comme un point positif dans un pays où la pluie est précieuse. Cependant, l’arrivée de la pluie ne règle pas le problème de l’approvisionnement en eau de manière durable. Ces pluies abondantes, qui transforment momentanément des oueds asséchés en cours d'eau vifs, ne compensent pas les longues périodes de sécheresse que le pays connaît depuis plusieurs années.
D’un côté, en 2009, le Maroc a présenté une « Stratégie nationale de l’eau », qui prévoyait la construction de 57 grands barrages qui amélioreraient le stockage et la distribution de l’eau à travers le pays. À ce jour, seuls neuf de ces barrages ont été ouverts. De plus, malgré les grands projets de production d’eau dessalée, il existe peu de stations réellement créées, à l’exception notoire d’Agadir. Agadir est une ville critique qui procure de l’eau potable pour ses habitants et irrigue les terres agricoles, notamment concernant les plantations de tomates. Mais qu’en est-il des populations oubliées, telles que celles des régions centrales et méridionales du pays ? Ce sont eux qui subissent de plein fouet les conséquences de cette crise hydrique.
D’un autre côté, les critiques pleuvent sur les gouvernements successifs, accusés d’avoir laissé traîner ces projets et d’avoir surexploité les ressources en eau, notamment à travers des initiatives agricoles telles que le Plan Maroc Vert, qui aurait consommé une grande partie des ressources hydriques disponibles. L’eau est notamment essentielle en comprenant la part importante du tourisme et de l’agriculture dans l’économie marocaine. Perdre cette ressource engendrerait en parallèle une urgence économique Cependant, ces mêmes sources de richesse contribuent également à aggraver le problème. En effet, chaque touriste utilise en moyenne 300 litres d'eau par jour, soit le double de la consommation des habitants locaux, et ce chiffre peut atteindre jusqu'à 880 litres dans le cadre du tourisme de luxe.
Certes, le Maroc semble s’être rendu compte de la gravité de la situation et a déjà commencé à introduire des politiques pour rationaliser l’utilisation de l’eau dans certaines des villes touchées. Cependant, aucune mesure à elle seule ne peut résoudre la crise. L’avenir à long terme dépendra d’une approche plus globale qui alliera le renforcement de l’infrastructure, la gestion durable de l’eau actuelle et en même temps une éducation accrue pour les citoyens d’un pays pour comprendre l’importance de protéger la ressource.
Certaines sources estiment que le Maroc surmontera cette crise, soutenant que le pays a déjà demandé et utilisé des technologies telles que le dessalement et l’irrigation goutte-à-goutte et ayant fait preuve d’un engagement vérifiable envers les énergies renouvelables. D’autres sont moins positifs, craignant que les mesures actuelles ne soient pas suffisantes pour faire face au changement climatique.
Le Maroc se trouve aujourd’hui à une étape urgemment décisive. L'eau, cette ressource vitale, devient de plus en plus précieuse, inégalement accessible et sa gestion constitue un des principaux défis des années à venir. Si la tâche semble difficile, la perte de cette ressource signifie un avenir inimaginablement infernal. Les initiatives en cours, bien que prometteuses, doivent être amplifiées et accompagnées d'une prise de conscience collective pour préserver l'avenir de l’or bleu du Royaume.
Sources
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